Il y a des emplois qui laissent des traces imparfaites et qui créent des légendes difficiles à ne pas s’incruster dans nos mémoires collectives et la Section d’épreuves de Corte a provoqué son lot de calomnies par « ouï-dire ». Ainsi un beau soldat devient pour certains d’entre nous un horrible bonhomme alors qu’il ne faisait que son devoir comme tout un chacun…
Le président de l’AALE de Puyloubier, Jean-Claude Pierron remet les choses en ordre, il accepte l’urne des restes de l’adjudant-chef Helmut Strauss dans le caveau de son Amicale et fait une éloge funèbre remarquée qui explique, malgrè tout, bien des choses.
Mais pourquoi cet article ?
Tout simplement parce que la réfexion est intéressante. C’est une belle leçon qui se présente à nous, moi-même j’avais entendu parler de cet adjudant-chef et sans savoir quoi que ce soit, je répétais ce que j’avais « ouï-dire » devenant passeur à mon tour d’évènements dont la véracité restait à prouver.
Merci Jean-Claude Pierron, le geste et le texte sont beaux !
CM
Éloge funèbre Adjudant-Chef (er) STRAUSS Helmut:
"Nous voici rassemblés dans ce cimetière de Puyloubier pour un ultime adieu à l’Adjudant-Chef (er) Helmut STRAUSS avant qu’il ne rejoigne ses compagnons d’armes dans notre caveau.
Certes, il n’était pas membre de notre amicale mais répondant à la demande de sa famille et eut égard à ses remarquables états de service notre bureau a accepté exceptionnellement de déroger aux modalités d’accès dans notre caveau. Comme nous ne l’avons donc pas connu je vais néanmoins m’efforcer de retracer une carrière magnifique qui s’inscrit dans la lignée des maréchaux de la Légion. Né en Allemagne à Hambruch situé en Rhénanie le 7 avril 1929, il va avoir 25 ans lorsqu’il signe en février 1954 un contrat d’engagement de 5 ans pour la Légion étrangère. A cette époque, la Légion est engagée en Indochine et le combat fait rage notamment depuis novembre 1953 dans la cuvette de Dien Bien Phu. Il sait donc qu’on va l’envoyer là ou l’on meurt d’autant qu’au cours de son instruction à Sidi Bel Abbes il est orienté pour servir au 2ème BEP dont la vocation est de renforcer ceux qui se battent là-bas. Las, Den Bien Phu tombe le 7 mai 1954 en mettant un terme à la guerre d’Indochine. Toutefois, la présence française se poursuivant pour permettre le rapatriement du corps expéditionnaire notamment à partir de la vaste base du Cap Saint Jacques, il rejoindra celle-ci au sein du 2ème BEP en septembre 54 pour la quitter en novembre 1955. De retour en Algèrie, le 2ème BEP devenu le 2éme REP s’installe à Philippeville au camp Pehau ou le baroud l’attend avec ce que l’on n’appelle pas encore la guerre d’Algérie. Nous le savons, seuls les meilleurs peuvent servir dans les Légionnaires parachutistes. Il faut des hommes robustes, courageux et rudes au mal. Helmut est de ceux-là, car il faut sillonner tout le Constantinois, pour engager des opérations coups de poing dans un paysage sec, ardu d’accès et coupés d’escarpement ou l’ennemi est en embuscade.
Le prix à payer est parfois lourd en un an le 2éme REP comptera trente et un tués et quatre-vingt-six blessés. Mais il neutralisera neuf cents rebelles et récupérera autant d’armes.
Le caporal-chef STRAUSS gagnera une première citation en novembre 56 ou prenant le fusil lance grenade d’un légionnaire blessé il détruit une résistance rebelle. Nommé sergent, il gagne une deuxième citation, le 26 avril 1958 ou chef de groupe par sa manœuvre courageuse sous un tir violent il permit à sa section d’atteindre l’objectif et d’infliger des pertes sévères aux rebelles. Enfin, le sergent-Chef STRAUSS obtiendra alors qu’il a rejoint le 1er étranger une troisième citation à la veille du cessez le feu le 2 mars 1962 ou à la tête de quelques légionnaires il intercepte aux environs de Sidi-Bel-Abbes un groupe de rebelles en met 7 hors de combat et récupère leurs armes. L’Algérie terminée, on le retrouve en 1963 à la 13ème DBLE à Djibouti. Là encore, comme adjudant il se distingue par sa polyvalence et ses qualités d’instructeur notamment sportives auprès des jeunes. Il sera récompensé par un témoignage de satisfaction. Nommé adjudant-chef le 1erJuillet 1967 après seulement 13 ans de services, il terminera sa carrière au GILE (Groupement d’Instruction de la Légion Etrangère) à Corté ou il aura en 1969 la difficile et ingrate mission de remettre en œuvre la section d’épreuve de la Légion étrangère qui ne l’oublions pas n’était que la composante Légion des sections de discipline de l’Armée française telles que le fort d’Aiton dans les Alpes ou le Compagnie Légère d’Afrique à Obock qui perdureront jusqu’en 1972. Le 13 février 1970 après 16 ans de services il fera valoir ses droits à la retraite. Il restera marqué par cette dernière mission qui lui vaudra quelques désagréments. Blessé dans son âme par le fait que certains ne garderons en mémoire que cet épisode de sa carrière il s’éloignera quelque peu de notre Institution. Il décédera le 18 novembre 2021 à Marseille. Mais il avait un camarade, de meilleur il n’en est pas : le Major (er) Roland KRUG qui avait maintenu le lien et qui obtiendra notre acceptation pour accéder à notre caveau.
« Vivant ma peau appartient à la Légion, mort, elle vous appartient à vous mes camarades »
Blessé par arme en service, titulaire de la Croix de la Valeur militaire avec trois citations, Médaillé Militaire, Chevalier de la Légion d’Honneur, pour ce valeureux destin de chevalier nous pouvons dire à l’instar des paroles du chant de son Régiment : Honneur et Fidélité pour l’Adjudant-Chef Helmut STRAUSS qui reposera désormais dans notre caveau à proximité du carré Légion de Puyloubier auprès du Père Légion : le Général ROLLET.
Adieu, Helmut, je suis sûr que sur le seuil de sa maison, le bon vieux Saint-Pierre entouré de Saint Antoine et de Saint Michel a dû donner l’ordre le jour de ton départ aux anges blonds et souriants : Pour l’honneur du grand Légionnaire demain tenue réglementaire, étole verte et nimbe blanc."
JCP